Ma mère me cache des choses
Hier soir, en sortant du taf, je me disais que la vie était belle.
Aujourd'hui tout est plus ou moins en équilibre, alors j'ai profité de l'instant.
Je monte dans la Rolls qui approche de ses seize milles kilomètres
et prend la route en direction du nid ou je vais retrouver Madame Fredo.
Vie de merde paisible.
En ce moment, sur mon trajet, il y a pas mal de travaux.
Alors, je suis contraint de me dérouter un peu, mais c'est pas si grave.
Je dois passer par des petites routes de ville
ou il peut tout juste se croiser deux métalosaures.
Me voici rendu à un croisement et T.
J'arrive au bout de la barre de T.
Je regarde à droite: des phares de voitures au loin.
Je regarde à gauche, pas de voiture. J'ai le temps.
J'appuie sur les pédales.
Au moment de traverser, je me rends compte que les feux de voitures
sont pratiquement sur moi.
Je ne pensais pas qu'on pouvait rouler si vite à cet endroit là.
J'ai droit à des appels de phares. Bon.
Puis le métalosaure me double en poussant un cri de rage. Bon.
Un de ses congénères arrivait en face, mais ce n'était pas son problème.
La bête se rabat devant moi et s'arrête au stop.
Tout ça pour ça.
Il tourne à gauche, moi à droite, fin de l'alerte.....
à moins que.
Je me hisse au niveau de le rutilant métalosaure de l'espèce des mercos.
Et j'entends un truc du style: "Tu as le droit de rouler sur la route avec ta merde?".
Ce à quoi je réponds avec délicatesse:
"Et toi, tu en est content de ta merde?".
Je tourne.
Le monstre se dévie de sa trajectoire, me course sur...
bien une centaine de mètres.
T'imagine une grosse merco prendre en chasse un vélo.....
Il me double et se met en travers devant moi.
Comme dans les films, quand les flics arrêtent des malfaiteurs.
Je me hisse à son niveau en me préparant à un échange verbal musclé.
Mais le métalosaure à un cerveau. Enfin cerveau c'est vite dit.
Voilà que le cerveau saute de son compagnon d'acier: "Aller vient maintenant, on va s'expliquer".
Imagine que moi je suis à un mètre au dessus du niveau de la mer
et lui debout très proche, et bien au dessus de moi.
Ce à quoi je réponds: "Tu veux qu'on explique quoi?"
Et là il a vomit.
Vomit en bousculant la pauvre Rolls déboussolée, en rapprochant son visage du mien.
Il en voulait à ma douce maman.
Il voulait lui faire l'amour, ou que moi je lui fasse l'amour.
Il affirmait que ma maman était une fille de joie dont j'étais le fils.
Il ajoutait que je l'avais insulté.
Que c'était pas bien de lui avoir coupé la route.
(Oulala nan. C'est pas bien)
Ben oui tu penses, il fallait qu'il use ses disques de frein tout neuf en carbone j'imagine.
Il a ajouté que je faisais trop le malin.
C'est sur. En moule burnes dans un bobsleigh à pédale, y'a de quoi se la péter.
Tout pendant ce temps là, moi, je suis resté calme.
Et c'est là que je me suis surpris.
D'habitude, des tremblements m'envahissennt
et j'attends le premier coup pour ouvrir les vannes.
Pendant que Monsieur Cerveau
(je mets des majuscules parce que ça mérite quand même le respect. Si si)
éructait des compliments sur ma famille,
je tentais de lui faire comprendre, avec une voie calme et poséïï (comme disent les d'jeun's),
que je ne comprenais pas pourquoi il se mettait dans dans cet état là?
Que ça ne servait vraiment à rien.
Que de plus il proposait un spectacle lamentable à tous les badauds qui étaient sur le trottoir.
Ça a durer le temps d'un feu rouge.
Un feu rouge, un orage.
Je m'attendais à être renversé avec la Rolls, ou perdre mes six milles euros de dents,
mais le mec a fini par remonter dans son engin et décoller comme si de rien n'était.
Le comble, c'est que je n'ai eu peur à aucun moment.
J'avais la sensation d'être au spectacle.
Spectacle ou j'étais quand même un peu acteur.
En reprenant la route, je me disais que ça ne devait pas être facile de vivre comme ça.
A s'emporter pour un rien. Pour un vélo qui a mal jugé une distance,
ou plutôt la vitesse de déplacement excessive.
Il n'empèche que le moment de quiétude dont j'avais pris conscience
au sortir du bureau à bien failli se terminer en quenouille.