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Le fil de l'eau
14 octobre 2013

Ma première rentrée

Depuis que je me suis fait réparer le cerveau
(je t'expliquerais si tu es gentil),
des souvenirs remontent.
Celui-là n'était pas complètement effacé, mais je n'avais pas les détails.

Je vais te raconter cette aventure, parce qu'il m'est arrivé un truc,
qui ne peut plus arriver aujourd'hui.

Je ne suis pas capable de dater précisément ma première rentrée,
mais ça doit se situer autour de l'année soixante-dix.

Ma mère m'emmène.
Elle me fait rentrée dans cette grande cour goudronnée,
arborée de majestueux marronniers, 
dans laquelle je passerai toute ma période de primaire.
Je me souviens encore de cette odeur de feuilles de marronnier qui annonçait
la fin des journées nu (en maillot de bain en tout cas)
à faire les quatre cents coups avec mes copains d'été.

Il faut bien dire que ce jour-là,
je n'étais pas très coopératif pour me rendre en prison.
Ma mère me présente à la directrice de l'école, que je saurai privée, plus tard.
Comment ont-ils fait pour nous proposer une scolarité privée??
Je me le demande encore.

Je me souviens de cette directrice en blouse, avoisinant
la cinquantaine avec un très fort accent bourguignon.

Elle n'était pas méchante, mais menait son monde de main de fer.

Me voilà, en blouse moi aussi, mon cartable à la main en train de chialer
de très grosses larmes de mécontentement.

Moi, j'ai poussé tranquille jusque là, fortement asthmatique certes, mais très heureux,
entouré de mes parents, de mes grands-parents, à courir dans la cour de la maison.
Je voulais rien, moi.
Je voulais juste poussé tranquille, comme ça, dans ce confortable cocon.

Mais voilà.
C'est pas comme ça que ça se passe.
Il faut aller à l'école.

Au bord du préau, je tiens la main d'une femme que je ne connais pas,
dans un endroit que je ne connais pas, abandonné par ma maman
ce matin même, au milieu de tout ces mômes hurlants et gesticulant,
que je ne connais pas non plus.

De colère, je jette mon mouchoir
(mouchoir à carreaux et en tissus à l'époque.
Principe que je n'ai plus été capable de réutiliser dans mes petits gestes),

par terre.

À l'époque, on n'acceptait pas les caprices et les gamins qui voulaient tenir tête.
Noyé dans mon désespoir, j'entends
(faut que tu roules les R, là, si tu veux que ça fasse plus authentique):
"RRamasse ton mouchoirr ou je t'enferrme à la cave."

Cabochard déjà à l'époque, je reste dans mon mutisme.
La bouche de la personne qui me tenait la main,
a du répéter cette phrase deux autres fois, puis m'a trainé, devinez ou?
Ben oui, ce que je pense être la cave.

La porte s'est ouverte.
La main qui me tenait jusqu’à présent m'a poussé à l'intérieur.
La porte s'est refermée et m'a dit:
"Tu rressortirras de là quand tu serras calmé"
(la porte roulait aussi les R si tu veux garder l'ambiance).

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là à hurler ma colère.
Je ne pense pas que ça ait duré longtemps, mais j'avais perdu la notion du temps.
Et puis, cette directrice là, n'était ni méchante ni perverse.
Je sais qu'elle n'a pas fait ça de gaité de coeur.

La porte s'ouvre.
Le fameux mouchoir rejoint mes mains.
Il essuie mes larmes.
Rejoint ma poche.
Je suis dirigé vers ma classe.
La cloche sonne.
Je suis en rang deux par deux, entouré de gens que je ne connais pas, avec
l'idée qu'il ne va pas trop falloir moufeter,
si je ne veux pas retourner derrière la porte qui roule les R.

Imagine ce genre de scène aujourd'hui.
C'est juste inconcevable.
C'est sans doute pour cela que l'école est à la rue aujourd'hui.
Parce que l'adulte n'a plus aucun moyen d'appliquer son autorité quand c'est nécessaire.
À surprotéger nos chères têtes blondes, nous ne leur montrons plus le chemin,
mais suivons le leur pour ne pas les brutaliser.

Je sais que ces propos peuvent en choquer quelques-uns, mais je suis prêt à débattre,
puisque je suis de cette génération qui a vécu l'école où nous n'avions pas
d'autre choix que de respecter l'école et l'adulte,
sous peine de sanctions qui pouvaient être aussi corporelles.
Lorque que ces sanctions arrivaient parfois,
mes parents n'allaient pas se plaindre à mon bourreau, non.
Mes parents mettaient un point d'honneur à ce que
cette punition soit appliquée et parfois doublée si ça se reproduisait.

Épilogue: Ma Bourguignonne de directrice m'a suivi jusqu'en CE2.
Elle était elle même instit de CE2.
Je l'ai donc eu comme maitresse.
Chaque fin d'année dans toutes les classes, elle visait les carnets
de notes de toutes les classes de l'école, avec un petit mot pour chacun.
Le mien était bon.
À chaque fois que je lui présentais mon carnet,
elle me rappelait ce souvenir avec un ton bienveillant.
Elle aussi avait sans doute été marquée par cet épisode.

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Commentaires
S
j'ai fait toute ma scolarité dans un village de montagne, nos instit' avaient plusieurs niveaux dans la classe , je n'ai gardé que des bons souvenirs et pourtant je n'étais pas une élève facile parce que je m'ennuyais toujours ,le carcan scolaire ne me permettais pas suffisamment de rêver, mais jamais je n'ai eu d'instit' durs par contre arrivée au collège, j'ai déchantée, les profs ne pensaient qu'à eux et à leur petit confort... j'ai vite été larguée scolairement et j'aurai sans doute fait partie des éléves mal orientés si je n'avais pas eu la chance de rencontrer un prof de dessin qui m'a soutenu, rencontré mes parents et permis que je trouve une orientation digne de ce nom
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V
Je suis choquée aujourd'hui quand certains parents refusent que leur enfant fasse la punition donnée par l'enseignant sous prétexte que leur enfant leur a expliqué qu'il n'avait rien fait, cela arrive très souvent maintenant en primaire, les parents soutiennent leurs enfants coute que coute, l'enseignant ne peut plus rien faire...L'enfant en joue alors toute l'année, il sait que ses parents vont le soutenir, il continue donc ses bêtises, parfois cela devient de l'insolence, du mépris, de la provocation. On en revient toujours au même constat, ce n'est pas l'enfant le problème, ce sont ses parents !
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T
Je tiens à noter que je n'ai jamais été martyrisé dans cette école. A l'époque, j'ai trouvé la punition justifiée, même si elle aurait pu prendre une autre forme. Je n'ai pas non plus connu les tapes sur les doigts avec la règle. Je n'ai jamais pris de claque non plus. C'est vrai que la limite est mince et que certains enseignants pourraient abuser de la punition corporelle. Je considère que ce genre de punition est l'ultime recours quand on a épuisé tout le reste. Il faut trouver le juste milieu.
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N
A part avoir été choquée par ton non recours au mouchoir en tissu (que j'ai moi-même partiellement remis au goût du jour), je partage l'avis de Vivement : un peu extrême peut-être, comme correction, mais l'absence de cadrage aujourd'hui est un vrai problème. Je pense que j'ai eu la chance de connaître la bonne époque de l'école : celle où l'on enfermait plus les enfants dans les caves, greniers ou placards, et sans règles qui tapent sur les doigts, mais avec des enfants (et des parents) qui respectent le corps enseignant et des limites imposés. c'était bien, juste, et normal; Aujourd'hui, a entendre certains de mes amis profs et instits;, on dirait que les enfants jouent de plus en plus avec cette impossibilité de l'adulte à se faire respecter, puisqu'il n'a plus de sanction à son arc... je redoute l'avenir pour ces enfants...
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E
Aujourd'hui, les parents porteraient plainte pour un tel acte. En même temps, je ne trouve pas ça très malin comme réaction, elle aurait pu t'expliquer les choses, comprendre que tu étais en colère et malheureux. Cela ne justifiait pas de t'enfermer à la cave. Et, c'est plutôt traumatisant comme expérience. <br /> <br /> Quand j'ai commencé à travailler j'ai fait suite à une institutrice très sévère qui enfermait les élèves au grenier, c'est pas mieux que la cave ou dans le placard, elle mettait de côté les enfants mal habillés et elle a dégoutté plus d'un élève de l'école, elle avait des enfants de 2 à 4 ans. Je trouve cela lamentable. J'ai aussi raconté dans mon blog comment j'avais été outrée du comportement de ma maîtresse de CE1 face à mon meilleur copain. C'est ici :<br /> <br /> http://vivement.canalblog.com/archives/2009/06/23/14036692.html <br /> <br /> <br /> <br /> Par contre je suis d'accord avec toi, aujourd'hui on n'a plus d'emprise sur les élèves. Voilà, on est passé d'une extrême à l'autre et c'est bien dommage . <br /> <br /> <br /> <br /> Vivement
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